dimanche 26 janvier 2014

Et au bout, l'Océan


de Fanny Leblond
Aux Editions Passiflore

Le titre évocateur est trompeur. Si vous imaginiez une histoire paisible au gré des flots sur l’Estuaire de la Gironde… Vous n’y êtes pas du tout. Bien que la trame se passe à proximité du fleuve et plus précisément dans la région du Blayais, nous sommes bien là au cœur des vagues, des remous, du tumulte, mais pas de ceux de l’eau…
Certes l’auteur nous embarque dans une traversée houleuse mais celle de la vie et des sentiments humains qui la jalonnent. L’amitié, L’amour, l’aversion, autant de perceptions qui font de nos vies un paradis ou parfois un enfer. Des perceptions très fortes  que partagent trois amies d’enfance.
Fanny Leblond brosse au départ un tableau idyllique. Celui de jeunes couples et de vieux copains qui jouissent d’un bonheur presque parfait.  Eve,  personnage principal de l’histoire et ses amis se retrouvent régulièrement pour partager, repas, weekend ou autre moments amicaux. Une vie rythmée mais sans surprise où le quotidien est synonyme de bonheur.
Cependant un jour ce quotidien est bouleversé par le retour inattendu d’un ancien amoureux et la disparition inquiétante d’une des trois camarades. Les démons du passé viennent mettre à mal le fragile équilibre du cercle de copains mais plus encore celui d’Eve dont l’approche de la quarantaine réveille en elle des questions existentielles. Dès lors, trahisons, désillusions, mensonges et ressentiments deviennent les maîtres mots de la vie de ces couples, pas si lisses finalement.
Sous fond d’intrigue, Fanny Leblond, décrit avec des termes choisis, les rives de la Gironde, le monde des vignes, du vin, des petits ports de pêche et des villages alentours. Une ambiance parfaitement retranscrite, dont les détails précis aident le lecteur à entrer facilement dans l’histoire. Tout au long du récit on ressent le parallèle que Fanny établit entre les oscillations de la vie et celles des vagues de l’océan ; tantôt étales, tantôt houleuses, mais jamais inintéressantes. 


Alors laissez-vous embarquer jusqu’au bout de l’Océan.

mardi 14 janvier 2014

La carapace de la tortue



de Marie-Laure Hubert Nasser
Aux Editions Passiflore


Fin 2013, durant l’un des tout derniers salons du livre de la région, mon œil avait été attiré par la couverture de cet ouvrage. Ces petits macarons aux couleurs acidulées attisaient déjà ma curiosité au moins autant que mes papilles… Mais que dénonçaient ces tendres friandises face à la rugosité du titre, La carapace de la tortue ? Dans une parfaite antinomie, entre douceur et rudesse, l’auteur annonce l’essence même de Clotilde,  héroïne de l’histoire, un cœur délicat sous une armure infrangible.
Clotilde c’est en effet tout cela à la fois. Enfant « bien née »  au sein  d’une famille de la bourgeoisie bordelaise, son avenir  aurait pu s’annoncer lumineux et pourtant… Dotée d’un physique disgracieux, un peu gauche et surtout très timide, elle est la risée de ses camarades et la honte de sa mère. Enfant introvertie, peu soutenue par son père, rejetée par la majorité de son entourage,  elle ira jusqu’à fuir  sa parentèle.
Mais un jour prenant son courage à deux mains, elle décide de cesser sa cavale et revient s’installer chez sa tante, propriétaire d’un immeuble cossu dans le centre de Bordeaux.  Dès lors, commence une deuxième vie pour Clotilde. La jeune fille au physique ingrat et à l’allure maladroite mais pourvue d’une profonde empathie, devient le pilier central, l’élément incontournable des habitants du 7 rue Ferrère. On ne sait plus très bien alors qui de Clotilde ou des habitants est là pour soutenir l’autre… Chacun avec ses fêlures et ses préjugés va aider Clotilde  à retrouver l’assurance qui lui fait défaut.
Tantôt attachants, tantôt détestables, les habitants de la rue Ferrère nous offrent une fresque de ce qu’il y a de pire et de meilleur dans notre société. Entre la superficielle nymphomane, la soumise résignée, l'anti conventionnelle, la vieille ronchon au grand cœur, Clotilde va retrouver une famille. Une famille dans la laquelle, après une lente évolution,  elle sortira enfin de sa chrysalide.
Au-delà de l’histoire,  de la complexité voire de l’excentricité des locataires et de l’attachement que l’on ressent pour chacun d'entre eux, Marie-Laure Hubert Nasser, nous force à nous interroger sur nos réactions quotidiennes motivées par nos préjugés et nos "première impressions". Se pourrait-il que derrière un physique qui inspire de l’aversion se cache un être doué de  compassion et de véritables valeurs humaines ?

J’ai lu ce livre d’une traite et j’ai mis beaucoup de temps à oublier les habitants de la rue Ferrère (mais je vous laisse en découvrir les raisons).

Par la façon de construire son roman, par  le message ou même la morale que l’on peut en tirer, par la douceur qui s’en dégage malgré le côté obscur de la nature humaine,  il y a dans ce livre une légère similitude avec L’élégance du hérisson.


Je souhaite à Marie-Laure Hubert Nasser autant de succès que celui reçu  par Muriel Barbery.