Cet écrivain voyageur nous
embarque dans sa retraite sur les rives du lac Baïkal où durant six mois, il a
fui le monde pour expérimenter une vie
de solitude au cœur de la forêt Sibérienne dans une simple cabane en bois.
Avec ses chiens pour tout
compagnon, quelques caisses de Vodka et la présence occasionnelle de mésanges
et d’ours, Sylvain Tesson a vécu replié sur lui-même. Ce fut une véritable
communion avec la nature puisqu’il lui a fallu pour survivre, tirer l’eau du
fleuve, pécher pour se sustenter et couper du bois pour se chauffer. Ses
journées ont défilé au rythme d’une horloge naturelle celle de l’aurore et
du crépuscule. Riche d’une grande quantité de livres qu’il a fait suivre de France,
il a passé la majorité de son temps, à la lecture de ces ouvrages pour
comprendre le monde qui l’entoure.
Dans l’isolement de la Sibérie,
Sylvain Tesson se livre à une introspection et se libère du superflu, loin de
toute pollution mercantile, visuelle et sonore.
Il faut beaucoup de courage pour
vivre un tel isolement. Je l’envierais presque si le projet ne me paraissait pas
si fou. Quelques lecteurs ont rapporté que Tesson n’envoyait aucun message
précis à travers ce livre mais seulement la description de son quotidien. Je
pense, au contraire, qu’il met en exergue la superficialité de
nos vies, leur manque d’intérêt, notre urgence à tout vivre vite, à
consommer à outrance et sans plaisir.
Peut-être voulait-il simplement nous
amener à nous rappeler que l’essentiel n’est pas ce que nous croyons.
Un poète rêveur, un brin
utopiste, dont la narration appelle à la méditation. Un livre que je lirai à
nouveau avec plaisir.
Quelques extraits :
« C’est fou ce que l’homme accapare l’attention
de l’homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette
conquête qui vous rend jouissance des choses. »
« L’éventail des choses à
accomplir est réduit. Lire, tirer de l’eau, couper le bois, écrire et verser le
thé deviennent des liturgies. En ville, chaque acte se déroule au détriment de
mille autres. La forêt resserre ce que la ville disperse. »
« C’est le soir, il est 9
heures, je suis devant la fenêtre. Une lune timide cherche une âme sœur mais le
ciel est vide. Moi qui sautais au cou de chaque seconde pour lui faire rendre
gorge et en extraire le suc, j’apprends la contemplation. Le meilleur moyen
pour se convertir au calme monastique est de s’y trouver contraint. S’assoir
devant la fenêtre le thé à la main, laisser infuser les heures, offrir au
paysage de décliner ses nuances, ne plus penser à rien et soudain saisir l’idée
qui passe, la jeter sur le carnet de notes. Usage de la fenêtre : inviter
la beauté à entrer et laisser l’inspiration sortir. »
« A Paris, je ne m’étais
jamais trop penché sur mes états intérieurs. Je ne trouvais pas la vie faite
pour tenir les relevés sismographiques de l’âme. Ici, dans le silence aveugle,
j’ai le temps de percevoir les nuances de ma tectonique propre. Une question se
pose à l’ermite : peut-on se supporter soi-même ? »
« L’homme libre possède le
temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant. En ville, les
minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du
temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en
vieux chien gentil et, soudain on ne sait même plus qu’il est là. Je suis libre
parce que mes jours le sont. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire